- ENVIRONNEMENT (droit et politique)
- ENVIRONNEMENT (droit et politique)Depuis la création d’un ministère de l’Environnement en 1971, tout un mouvement d’idées lent mais continu a pénétré l’administration française, les entreprises, les planificateurs, les partis politiques: protection de la nature et lutte contre les pollutions sont devenues non pas une idée à la mode, mais une réalité nécessaire, un impératif de survie. Le droit de l’environnement, expression locale d’un mouvement international, apparaît comme une nouvelle branche du droit non pas isolée des autres, mais au contraire éclairant d’une lumière nouvelle l’ensemble des disciplines juridiques traditionnelles. Le législateur a consacré cette apparition en déclarant dans l’article 1 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature: « La protection des espaces naturels et des paysages, la préservation des espèces animales et végétales, le maintien des équilibres biologiques auxquels ils participent et la protection des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent sont d’intérêt général. »La politique de l’environnementAlors que des scientifiques et des associations de protection de la nature s’alarmaient depuis fort longtemps devant la dégradation continue du milieu naturel et que l’opinion publique aux États-Unis avait déclenché une vaste campagne de lutte contre la pollution, les pouvoirs publics français commencèrent à se préoccuper du problème dans les années 1969-1970, c’est-à-dire après le choc dû aux événements de mai 1968.Peu à peu, il apparaissait que, d’une part, les nuisances de la société industrielle sont devenues telles qu’il est d’intérêt général de les réduire et que, d’autre part, cette nouvelle politique officielle de protection de l’environnement n’est pas forcément en contradiction avec la politique de développement industriel.Les premières décisions du gouvernement, dirigé alors par Jacques Chaban-Delmas, consisteront à présenter, en 1970, un programme de cent mesures pour l’environnement, qui s’articulait autour de quatre types d’actions: recherche et étude, information et éducation, action concrète sur le terrain et action législative et réglementaire.Création d’un ministère spécialiséSous la pression des événements (intérêt croissant de l’opinion, préparation de la conférence des Nations unies sur l’environnement, qui aura lieu à Stockholm en juin 1972, mise en œuvre du programme des cent mesures), le gouvernement va créer un ministère spécialisé. À l’occasion d’un simple remaniement ministériel, Robert Poujade est nommé, le 7 janvier 1971, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la protection de la nature et de l’environnement. La France sera ainsi un des premiers États à se doter d’un tel ministère. Son rôle est double; d’une part, il exerce des compétences propres de gestion dans les secteurs suivants: établissements dangereux, insalubres ou incommodes, chasse, pêche, parcs nationaux, protection des monuments et des sites à caractère naturel; d’autre part, il exerce des compétences de coordination entre les diverses administrations pour tous les autres secteurs de l’environnement qui ne lui ont pas été transférés.Administration nouvelle, animée par des fonctionnaires dynamiques croyant à leur mission, le ministère de l’Environnement allait se heurter à des résistances politiques et administratives. La morale de l’environnement du président Pompidou pénètre difficilement les esprits. Au niveau des structures gouvernementales, le ministère de l’Environnement va connaître alors une vie très mouvementée (neuf ministres et cinq secrétaires d’État de 1971 à 1983) due tout à la fois à des difficultés administratives pour situer et définir la notion d’environnement et à l’importance des conflits avec d’autres priorités.En 1978, l’administration de l’Environnement fusionnait avec l’ancien ministère de l’Équipement et de l’Urbanisme au sein d’un grand ministère de l’Environnement et du Cadre de vie. Cette réunion politique et administrative entre les services de l’Équipement chargés de l’urbanisme et de la construction de grandes infrastructures et les services de la protection du milieu naturel fut un événement considérable. Elle traduisait la pénétration des idées de l’environnement dans les administrations traditionnelles et ne faisait que refléter l’influence croissante du droit de l’environnement sur le droit de l’urbanisme. Désormais, l’Urbanisme et l’Aménagement du territoire devront prendre en considération la lutte contre les pollutions et la protection des équilibres écologiques. On a pu craindre que la fusion ne se fasse au détriment de l’Environnement, absorbé par les puissants services de l’Équipement. Mais depuis 1981, l’Environnement est redevenu un ministère autonome et de ce fait isolé, exceptés les brefs retours au secrétariat d’État dans le troisième gouvernement Mauroy et au ministère de l’Équipement dans le gouvernement Chirac entre 1986 et 1988.Environnement et planificationLa réflexion sur l’homme et l’environnement se situe toujours dans une perspective futuriste. Aussi de nombreuses études ont-elles été réalisées pour prévoir l’avenir selon différents scénarios de développement économique et de consommation des ressources naturelles non renouvelables. Les travaux du club de Rome sont les plus connus (Halte à la croissance et Stratégie pour demain ).En France, la politique de l’environnement va progressivement être intégrée dans le plan national de développement économique et social. Il faudra d’abord être capable de comptabiliser les données de l’environnement; c’est ce à quoi se consacrera le groupe interministériel d’évaluation de l’environnement, créé par un arrêté du 1er juin 1972 et remplacé en 1978 par une commission interministérielle des comptes du patrimoine naturel. Le VIe plan comportera quelques dispositions en relation avec l’environnement, surtout en matière de pollution des eaux et de recherches antipollution. C’est avec le VIIe plan (1976-1980) que l’environnement fait véritablement partie des données nouvelles de l’action économique et sociale. Il est officiellement admis que la croissance économique incontrôlée peut aboutir à détériorer l’environnement et que la priorité jusqu’alors donnée au quantitatif sur le qualitatif doit être abandonnée. « Il faut coupler la recherche de l’efficacité économique à celle de la qualité de la vie. »Pour renforcer la mise en œuvre du VIIe plan et accompagner l’action de la nouvelle législature, le gouvernement devait adopter, en janvier 1978, une charte de la qualité de la vie. Celle-ci comportait cent six dispositions et proposait pour les cinq années suivantes des mesures concernant la vie quotidienne des Français, afin de faire progresser encore le souci de qualité de la vie. La préparation du VIIIe plan intégrait de façon heureuse l’environnement dans les objectifs économiques avec le rapport de l’intergroupe Environnement en 1980.Le rapport du groupe de travail Environnement du IXe plan reconnaissait que la protection du patrimoine naturel est un investissement rentable et une source d’emplois. Il prévoyait une relance de l’effort national en faveur de la protection de l’environnement qui représenterait 2 p. 100 de l’investissement industriel total, soit le taux déjà atteint par le Japon, les États-Unis et l’Allemagne fédérale. Le Xe plan se montra fort peu disert sur les questions d’environnement alors avec le XIe (1993-1997) y a consacré une part essentielle de ses efforts dans le cadre de sa commission Environnement, qualité de vie, croissance.L’écologie politiqueLa nouvelle politique de l’environnement va devenir rapidement un thème de propagande politique au sein des partis du fait, essentiellement, que les défenseurs de l’environnement vont eux-mêmes tenter d’entrer dans le jeu politique.Action politique des milieux écologiquesL’intérêt croissant de l’opinion publique pour la protection de l’environnement aboutit à la création d’une multitude de groupes, associations ou comités de défense de l’environnement, constituant une force imposante mais inorganisée et sans programme. Ayant leurs militants, leur presse, plus tard leurs radios (par exemple Radio verte Fessenheim), leurs grands rassemblements populaires (le Larzac, Fessenheim, Malville), les mouvements écologiques vont se faire connaître à l’occasion des élections présidentielles de 1974 avec le premier candidat écologiste au monde: René Dumont.Après quelques expériences locales lors d’élections partielles, la poussée écologique s’est manifestée aux élections municipales de 1977 où plusieurs candidats « verts » furent élus. Pensant pouvoir jouer un rôle important en tant que minorité agissante lors du duel droite-gauche des élections législatives de 1978, le mouvement écologique lança de nombreuses candidatures. Non seulement il n’eut aucun député, mais encore il perdit des voix par rapport à 1977.À l’occasion des élections au Parlement européen, des listes écologiques ont été présentées dans divers pays du Marché commun. En France ils allaient obtenir 4,4 p. 100 des suffrages exprimés. Aux élections présidentielles de 1981, les voix du candidat écologiste Brice Lalonde (1 116 000 suffrages) pèseront lourd pour le second tour. Ce report des voix écologistes s’accentuera encore lors de la réélection de François Mitterrand en 1988 (68 p. 100 des 1 149 000 suffrages d’Antoine Waechter). Reste que l’audience du mouvement n’a pas progressé: elle se situe à moins de 4 p. 100 des suffrages. C’est d’abord la R.F.A. qui offrira une consécration politique au mouvement. En mars 1983, lors des élections générales, pour la première fois des écologistes siègent dans un parlement national avec 5,6 p. 100 des suffrages et 28 élus. Cette percée du parti des Verts (die Grünen) était confirmée l’année suivante par leur entrée au Parlement européen avec 8,2 p. 100 des voix et sept sièges. Les écologistes français les rejoindront en 1989 en obtenant 10,59 p. 100 des voix et huit sièges. Les conseils régionaux et leur représentation proportionnelle leur conféraient ensuite un poids politique en France (13,7 p. 100 aux élections de 1992). Ces progrès électoraux ne suffirent cependant pas à assurer aux deux partis héritiers du mouvement leur entrée au Palais Bourbon en mars 1993, avec seulement 7,7 p. 100 des suffrages.Action écologique des milieux politiquesLes partis politiques ne vont réagir que lentement à la pénétration des idées nouvelles en matière d’environnement. Lors des élections législatives de 1973, un document général appelé la « charte de la nature », élaboré par un comité regroupant vingt-deux des plus grandes associations de défense de l’environnement, fut proposé aux divers partis politiques et accepté par de nombreux candidats. Ce ne fut cependant pas un thème électoral. Les élections législatives de 1978 vont au contraire laisser une grande place au thème de l’environnement et de la qualité de la vie. On dira que tous les partis se sont mis « au vert ». En effet, la propagande électorale va aboutir à une vaste unanimité nationale, et les déclarations d’intention de chaque parti seront très proches les unes des autres. Le débat sur l’énergie nucléaire, thème favori des écologistes, sera cependant discrètement évité. Aux élections présidentielles de 1981, les partis soutenant Giscard d’Estaing et Mitterrand mettront en avant leurs propositions écologistes.Le droit de l’environnementLe droit de l’environnement est constitué par l’ensemble des règles juridiques relatives à la protection de la nature et à la lutte contre les pollutions. Il se définit donc en premier lieu par son objet. Mais c’est aussi un droit ayant une finalité, un objectif: notre environnement est menacé, le droit doit pouvoir venir à son secours en imaginant des systèmes de prévention, de réparation ou de répression adaptés à une meilleure défense contre les agressions de la société moderne. C’est en cela que le droit de l’environnement est plus que la description du droit existant; c’est un droit porteur de message, un droit du futur et d’anticipation, grâce auquel l’homme et la nature trouveront un rapport harmonieux et équilibré.Le contenuLe droit actuel de l’environnement se caractérise par une grande abondance de textes législatifs et réglementaires et par un apport jurisprudentiel limité. Il existait déjà depuis fort longtemps des textes visant à lutter contre les pollutions ou à protéger les paysages, textes qu’on ne rattachait pas au droit de l’environnement alors inexistant, mais à des régimes de police spéciale. Ainsi, les pollutions industrielles ont été contrôlées depuis un décret napoléonien de 1810 réglementant les établissements dangereux, incommodes ou insalubres; la protection des monuments historiques remonte à une loi de 1913, la protection des sites et des paysages à 1930.Après une longue préparation, le ministère de l’Environnement soumettra au Parlement, de 1975 à 1977, une série de grands textes dont certains innovent totalement, tandis que d’autres réforment et modernisent des lois anciennes. Les mots écologie, équilibre biologique, écosystème entrent dans le vocabulaire juridique. Ainsi, la loi du 10 juillet 1976 vise à la protection de la nature et la loi du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, réforme le système de lutte contre les pollutions industrielles. Les lois du 31 décembre 1975 et du 31 décembre 1976 sur l’urbanisme complètent le Code de l’urbanisme en y intégrant les exigences de protection de l’environnement.La réforme qui aura la plus grande influence sur le processus classique de décision des agents économiques privés et des administrations est incontestablement celle qui résulte de l’article 2 de la loi sur la protection de la nature, instituant une procédure d’étude d’impact. Tout projet d’aménagement et toute décision pouvant avoir des incidences sur l’environnement devront obligatoirement être précédés d’une étude faisant ressortir les impacts écologiques du projet ou de la décision. Cette étude, communiquée au public, devrait conduire les décideurs à respecter l’environnement en toute connaissance de cause.Cette avalanche de normes juridiques ne doit pas faire illusion. Des difficultés énormes subsistent quant à l’application effective des textes à l’occasion de grands drames écologiques (Seveso, Amoco -Cadiz , « boues rouges »). Le droit ne résout pas tous les conflits d’intérêts.Les caractères générauxDans la mesure où l’environnement est l’expression d’une vision globale des interactions et des relations des êtres vivants entre eux et avec leur milieu, il n’est pas étonnant que le droit de l’environnement soit un droit de caractère horizontal, qui recouvre les différentes branches classiques du droit (droit civil, droit administratif, droit pénal, droit international), et un droit d’interactions, que l’on retrouve dispersé dans des réglementations variées. Beaucoup plus qu’une branche de droit nouvelle avec son propre corps de règles, il tend à pénétrer tous les systèmes juridiques existants pour les orienter dans un sens environnementaliste.C’est aussi un droit du collectif: il vise à protéger l’ensemble de la communauté humaine, ainsi que les biens collectifs tels que l’eau, l’air, les paysages, la nature. La propriété privée doit céder devant les exigences des écosystèmes naturels qui impliquent l’ouverture des espaces. Aussi le droit de l’environnement va-t-il imposer de nombreuses servitudes à la propriété tant privée que publique (classement de sites, réserves, parcs, etc.).Le droit de l’environnement est également un droit très technique car, s’il est appliqué par l’homme, il porte sur des éléments naturels ou sur des espèces animales ou végétales. Chaque règle de droit va être accompagnée de dispositions scientifiques très précises. Cela implique que le langage juridique puisse traduire ces normes scientifiques, contribuer à les faire respecter, permettre une évolution en prévoyant une adaptation permanente de la règle de droit aux progrès scientifiques.C’est enfin un droit de participation, en ce sens que les pouvoirs publics vont s’efforcer de faire du droit de l’environnement non pas un droit autoritaire, mais un droit de concertation. Avec les « pollués », on va développer le mouvement spontané des associations de défense de l’environnement et leur donner des pouvoirs nouveaux (12 000 à 15 000 associations récensées).Le droit de l’environnement a aussi par essence une dimension internationale. La déclaration sur l’environnement adoptée à Stockholm en juin 1972 proclamait: « L’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité, et à des conditions de vie satisfaisantes dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures. » Le droit de l’environnement est ainsi consacré par la communauté internationale comme un nouveau droit de l’homme de notre temps. C’est en réalité un droit de l’espèce considérée comme un tout et intégrant les espèces animales et végétales indispensables à la survie de l’homme lui-même. La France devrait s’acheminer vers la reconnaissance d’un tel droit. La proposition de loi constitutionnelle élaborée en 1977 par la Commission spéciale des libertés de l’Assemblée nationale disposait en son article 10: « Tout homme a droit à un environnement équilibré et sain et il a le devoir de le défendre. Afin d’assurer la qualité de la vie des générations présentes et futures, l’État protège la nature et les équilibres écologiques. Il veille à l’exploitation des ressources naturelles. » Le droit à l’environnement consacre l’existence du droit de l’environnement.
Encyclopédie Universelle. 2012.